jeudi 13 septembre 2012

Le piratage et l'industrie de l'anime en Amérique du Nord - Partie 2

Dans la première partie de cet éditorial, j'ai essayé de démontrer, via quelques chiffres et faits, l'impact du piratage sur  l'industrie ainsi que sa marginalité en Amérique du Nord. Dans cette partie, je vais m'employer à détruire et/ou expliquer les réponses et mythes les plus communs dont les pirates se servent pour se justifier. Vous allez voir que la réalité n'est pas aussi rose que vous le croyez et que la zone n'est pas si grise que ça.



"L'industrie de l'anime est énorme comme celle du film et du disque. Ils peuvent bien se permettre que je pirate une ou deux séries."

Si vous faites référence à l'industrie au Japon... possiblement, quoi que cela puisse vous jouer un vilain tour comme je vais le démontrer plus tard. Si vous référez à l'industrie en Amérique du Nord... eh bien non. Comme je le mentionnais et le démontrais dans la partie 1 de cet éditorial, l’industrie de la distribution ici fait des profits ridicules. Les ventes sont en grande baisse et ce secteur compte une minorité de gens qui en vivent, environ 1 000. Cela exclue le peu de doubleurs qui en on fait une spécialité.

"L'industrie de l'anime est en retard sur son temps. Elle mérite de se faire pirater car ils refusent d'évoluer."

Au contraire. Je crois que cette industrie à été à l'avant plan de beaucoup d'évolutions au niveau des médias. Quand SONY ont sorti leur console portable PSP ainsi que le format de disques UMD, certains distributeurs ont immédiatement adopté le nouveau média pour combler une niche chez leur clientèles cible: les jeunes et étudiants qui prennent l'autobus et qui écoutent de l'anime sur leur appareil portable. On parle ici de 2004, on sait ce qui est arrivé par la suite, le format s'est rapidement écrasé car seul le PSP l'utilisait.

 ADV Films ont essayé aussi à l'époque de se sortir de la dynamique de la vente de DVD avec des services de streaming gratuit et payant sur internet mais ils ont échoué car le public n'a pas suivi. FUNImation s'est lancé aussi vers cette mode, mais avec un succès mitigé.  Deux autres compagnies subsistent toujours en se spécialisant sur ce modèle: Crunchyroll et Wakanim.tv, qui sont tout les deux en partie payants.

ADV Films et FUNImation ont aussi tenté d'offrir l'abonnement par service par câble télévisé sans que cela fonctionne davantage. La chaîne de FUNImation survit mais celle de ADV Films a arrêté ses opérations un certain temps, avant la compagnie ne se dissolve définitivement. Je crois donc qu'il est faux de prétendre que les distributeurs d'anime refusent d'évoluer. On peut concéder cet argument au niveau du Bluray car les distributeurs ont été un peu lents à l'adopter. Mais je crois que c'est plus une prudence face à leur situation économique car il y avait plusieurs facteurs à considérer: le manque d'anime réellement en HD ainsi que le combat qui a eu lieu entre ce format et le HD DVD il y a à peine 4 ou 5 ans.

"Je pirate parce que je suis trop "cassé" pour me payer de l'anime."

Ceci n'est pas une excuse. Les otakus des années 90 et début 2000 n'avait pas plus d'argent mais achetaient quand même si on se fie aux statistiques. De plus, les DVD à cette époque coutaient en moyenne beaucoup plus cher. (Entre 150$ et 200$ pour un boitier d'une série ou de 30$ à 50$ pour un DVD avec 3 ou 4 épisodes). De nos jours, nous payons en moyenne de 45$ à 60$ pour une série complète. Vous n'avez donc même plus cette excuse. De plus le salaire minimum a augmenté depuis cette époque en proportion aux prix des coffrets.

Il s'agit de mettre vos priorités à la bonne place et surtout d'économiser vos sous. Un hobby et une passion, ça se finance. Si vous ne mettez pas un sou dedans, vous courez le risque de voir toute une industrie disparaitre. Je ne dis pas de ne pas acheter vos livres d'école ou d'arrêter de manger mais quand même, respectez les créateurs de vos œuvres préférées en les achetant.

Je crois qu'une partie de ce problème (que je vais adresser dans une autre article) vient de la disproportion qu'a pris le cosplay et les conventions dans le fandom. Les gens ont plus soif de contenant que de contenu. La prochaine fois, mettez un peu moins de sous dans vos prochains cosplays et peut-être un peu plus dans les DVD des séries d'où ils viennent?

"Les DVD sont trop chers. On nous vole!"

Connaissez-vous le prix moyen d'un DVD ou d'un coffret d'anime au Japon? Un DVD simple se vend aux alentours de 6 000 yen, soit 75$. Pas pour trois ou quatre épisodes mais un ou deux, ou un film. Une série complète? En moyenne 15 000 yen, soit plus ou moins 190$. Et le marché japonais pour l'anime est énorme alors que le notre est petit... La tendance devrait donc être inverse si on se fie à l'offre et la demande. En plus, comme je le montrais dans mon point précédent, les DVD ont beaucoup diminué de prix depuis les dix dernières années ici. Donc non, l'industrie ne vous vole pas.

"Les animés ne sont pas très bons ces derniers temps, tout se ressemble, et rien ne vaut que je l’achète. Donc je les pirate."

Ok... exercice de logique ici... S'ils ne sont pas pas si bons que ça, pourquoi prendre le temps de les pirater et de les regarder quand même? Ça n’envoie pas vraiment le signal désiré aux studios et aux distributeurs...

Autre exercice de logique. Comment en est-ce arrivé à ce que rien ne soit bon (on parle ici en termes d'appréciation personnelle) et que tout se ressemble?

L'industrie de l'anime et du manga au Japon est si importante que depuis quelques années, ses activités et ses exportations sont comptées dans le P.I.B. du pays. Elle participe donc activement à la vie économique du pays. N'oublions pas que l'industrie de l'anime au Japon est une business comme le cinéma à Hollywood. 

Dans ce contexte et dans celui du piratage, la question que se posent les responsables des compagnies: "Est-ce plus payant de faire un animé expérimental qui plaira aux fans comme un FLCL, qui se fera pirater et où par conséquent les ventes à l'étranger seront minimes? Ou devrions-nous rester avec une recette  gagnante et prouvée qui vise un public plus large?" Si vous y allez grand public, vos chance de ventes augmentent à cause des marchés plus lucratifs, comme les jeunes enfants et leurs parents. Comme l'industrie ne peut se payer le luxe de prendre des risques coûteux, le marché stagne avec des milliers de clones de Naruto, Bleach ou Dragon Ball Z sur le marché. Ce n'est que de la logique de marketing. Personne ne veut se tirer dans le pied en lançant quelque chose qui serait un succès critique mais qui ne vendrait pas. Donc pirates, c'est en partie de votre faute si nous sommes obligés de nous taper 50 fois la même série avec un titre différent. 


"Mon club d'animé local / ma convention le fait! Pourquoi pas moi?" 

Votre club ou convention doit payer selon la loi ou demander les droits de diffusion à la Régie du Cinéma du Québec et demander un permis de diffusion pour l'organisme. Il peut arriver que certains titres soient très peu coûteux, voir même gratuits si vous rencontrez les bons critères. De plus, le matériel diffusé doit être original dans la mesure du possible (importation). Si cela est fait dans les règles de l'art, ils peuvent alors diffuser ce qu'ils souhaitent. Si ce n'est pas fait, l'organisme s'expose à de lourdes amendes. De plus, ces règles s'appliquent aux organisations et non pas aux particuliers. Allez-vous attendre que ces règles s'appliquent aussi à vous pour vous acheter vos séries favorites?

"C’est légal au Canada de télécharger des films et des séries télés!"

C'est un mythe urbain tenace et très bien implanté au Canada mais complètement faux. La loi est très claire là-dessus. Il est interdis de faire une copie personnelle d'un média si vous n'avez pas payé les droits d'auteurs sur le dit média. En gros il faut avoir acheté le DVD, la version digitale, ou le Blu-ray. Alors, d'où viens donc cette légende urbaine? En gros vous n'avez pas le droit de pirater un anime mais, à cause de la charte des droits et libertés, personne n'a le droit de vérifier sur votre ordinateur si vous l'avez fait ou non à moins d'avoir des preuves ou un doute raisonnable. Par contre, la loi va fort probablement devenir plus sévère dans les années à venir.

Au final, ne sommes nous pas par nos actions en train de tuer notre hobby? J'espère que mes deux éditoriaux vous auront un peu ouvert les yeux sur la problématique et que vous réfléchirez aux implications de vos gestes avant de cliquer sur download la prochaine fois.