mercredi 3 octobre 2012

La tête dans le sable... Ma soirée des élections

Cela fait déjà un mois depuis que le Québec, avec un taux de participation de 74.61%, a porté au pouvoir un gouvernement péquiste minoritaire. Un mois à me demander si c'est pertinent d'en parler ici alors qu'au moins deux de mes collègues sont en train d'écrire des éditoriaux sur la même chose . Un mois à me demander si tout a déjà été dit sur le sujet. Un mois à avoir honte aussi. 



 Avant que quelqu'un ne décide d'y aller avec la rhétorique habituelle et de dénigrer cet article sur des bases partisanes en croyant que je vais chialer sur la couleur du gouvernement ou de l’opposition, je vous dirai simplement que ce n'est pas de cela dont j'ai eu honte et ce n'est ni de cela dont je vais parler. Mettons les choses au clair. Je suis un partisan péquiste de longue date et bien que j'ai perdu la flamme de l'indépendantisme, mon sentiment nationaliste de gauche est toujours très ancré dans mes valeurs. Mais bon, je suis de la gauche pragmatique. Si une solution est bonne je vais l’approuver indépendamment de la couleur du parti.

Non, ce dont j'ai eu honte et ce dont je veux vous entretenir ici, c'est de l'attitude immature, irrespectueuse et cynique d'une partie de la communauté geek québécoise lors de cette soirée électorale.


Comme tout bon geek, moi et mes amis étions réunis pour la soirée, équipés de nos portables, prêts à commenter tout nouveau développement dans l’exercice démocratique du 4 septembre.  Exercice très important car, non seulement les élections n'arrivent en général qu'au quatre ans, mais nous étions au tournant d'une crise sociale sans précédent au Québec. L'insatisfaction était dans l'air et la jeunesse réclamait du changement. 

Que vois-je sur les Facebook et Twitter de ce monde? Des geeks, des gens comme moi et vous, qui demandent plus ou moins poliment à leurs amis des réseaux sociaux d'arrêter de parler de politique. Que les gens devraient parler de jeux vidéos, d'anime ou de cosplay au lieu de les faire chier avec une élection qui ne changera rien à rien car les politiciens sont tous les mêmes...

Bien qu'en tant normal j'aurais respecté leurs opinions et leurs choix, sans nécessairement les approuver, en cette soirée du 4 septembre, ça m'a profondément blessé et perturbé au niveau de mes valeurs de bases. Après tout, qui se ressemble s'assemble... Mais ça, ça ne me ressemblais pas. Je me suis dis "Mais où va la société? Où va notre communauté geek québécoise?".


Soyons franc. 
  1. Les élections générales n'arrivent en général qu'aux quatre ans.
  2. C'est l'occasion où nous avons justement la possibilité de changer les choses, de débattre de projets de société et d'envoyer des messages à nos dirigeants. 
  3. Nous sortions de la crise étudiante. Vu la moyenne d'âge du geek moyen, j'aurais eu tendance à croire que c'était important pour nous...

Ce que j'essaie de dire je crois, c'est que si ça ne vous plaisait pas de voir les gens parler politique sur les réseaux sociaux le 4 septembre... Pourquoi vous êtes vous connectés? Pour moi, c'est un manque de jugement total. De plus, ce manque de jugement est devenu un manque de respect pour le peuple et pour nos institutions démocratiques quand ces gens se sont mis à demander aux autres d'arrêter de parler de politique... 

Ça ne s'est pas vraiment amélioré après l'attentat par un anglophone devenu fou contre notre première ministre élue . Une première dramatique dans notre histoire démocratique en tant que jeune nation (jeune comparée aux nations européennes). Aucun intérêt. Rien en dehors du prochain cosplay, du prochain GN ou de qui veut jouer à Battlefield 3...


Je trouve navrant que ces gens n'aient aucun intérêt pour l'avenir de leur peuple. Mais sont-ils obligés de nous le faire subir? Oui vous allez me dire que c'est une opinion et qu'elles sont toutes valables et que tout le monde a le droit à la sienne. De mon côté, je vais vous répéter que ça m'attriste et que je trouve ce manque de civisme et ce cynisme à la limite de l'inacceptable.


Je dis ceci à ces gens: au mieux vous pourriez vous impliquer dans le débat social et même faire germer l'idée d'un changement chez d'autres personnes ou dirigeants que vous avez interpellés. Au GROS pire, on restera au statu quo qui n'est pas si mal si on se compare à d'autres démocraties. 

S'impliquer dans le changement politique, ce n'est pas simplement militer pour un parti ou se présenter aux élections, c'est aussi débattre de nos idées. Comme le disait si bien mon père, c'est en parlant de nos idées et en en débattant qu'elles risquent de faire un bout de chemin et se rendre à l'oreille de quelqu'un qui peut peut-être changer les choses.

Au gros pire, endurez-vous... Vous allez avoir la paix et le temps de parler de sujets geek en masse pour les prochaines années.

Oui je fais ici un énorme jugement de valeur. Et oui ça pourrait même passer pour une tentative de censure. Mais tout ce que je dis ici ne sont que des opinions sur lesquelles vous pouvez être en accord ou pas et je ne vise ici qu'une fraction des geeks québeécois. Je crois tout de même que le fait est que ça reste inquiétant.

Est-ce que notre communauté geek est tellement absorbée dans ces passions que tout le reste devient superflu? Que va t-il falloir pour que certains membres de notre estimée communauté lâchent leur machine à coudre ou leur PlayStation?  Je ne sais pas... Mais j'ai sincèrement eu l'impression d'avoir affaire à des gens qui préfèrent se complaire et s'enfermer dans leur monde fantastique plutôt que de faire  avancer la société ou leurs idées, préoccupations et valeurs. Des personnes qui ne se soucient que très peu de l'avenir de la société en dehors de leurs passions. Je n'ai pas de réponses mais beaucoup de déception. Je me pose par contre les questions suivantes: quand est-il acceptable que nos passions passent au-dessus de l'intérêt commun d'un peuple ou d'une communauté? Qu'est-ce que ça va prendre pour que ces gens réalisent l'ampleur de l'enjeu et daignent sortir de leur bulle rose réconfortante où ils n'ont pas besoin de se casser la tête et de se poser des questions identitaires et de valeur pour en faire un monde parfait ? Là, c'était les élections mais plus tard, ça pourrait être plus grave ou proche de vous...

Le 4 septembre 2012, j'ai mis mon drapeau geek en berne.